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La mauvaise courbe du cancer Loin de reculer, la maladie fait de plus en plus de victimes dans les pays industrialisés

Le Monde

Publié le 03 novembre 2003 à 16h26, modifié le 03 novembre 2003 à 16h26

Temps de Lecture 4 min.

Une véritable douche froide. Loin des déclarations tonitruantes faisant état de "grandes victoires contre le cancer", un rapport publié jeudi 23 août dans l'hebdomadaire médical britannique The Lancet montre que, depuis vingt ans, la situation n'a cessé de se détériorer, la plupart des cancers étant en forte augmentation dans les principaux pays industrialisés. "Les changements sont si grands et si rapides, note le professeur Devra Lee Davis (Mount Sinai Medical Center, New-York), l'un des auteurs du rapport, que des recherches intensives s'imposent de toute urgence afin d'en déterminer les causes. C'est à ce prix, et à lui seul, que pourront être mises en oeuvre des politiques de prévention réellement efficaces".

Les auteurs du rapport ont étudié, de 1968 à 1987, dans les principaux pays industrialisés (France, Allemagne de l'Ouest, Italie, Japon, Grande-Bretagne et Etats-Unis), les taux de mortalité liés aux principaux types de cancers chez les personnes âgées de quarante-cinq à quatre-vingt quatre ans.

Il apparaît que deux formes de cancer seulement sont en régression. Le cancer de l'estomac, tout d'abord, dont le taux de mortalité diminue de 20 % au Japon et de 50 % aux Etats-Unis. Il faut sans doute voir là les effets bénéfiques d'une meilleure réfrigération des aliments et de l'augmentation de la consommation de fruits et de légumes.

L'autre type de cancer dont la mortalité globale diminue (légèrement, il est vrai) est le cancer du poumon : globalement, cette baisse est de l'ordre de 10 % en vingt ans. C'est aux Etats-Unis et au Royaume-Uni qu'elle est la plus forte. A n'en pas douter, il s'agit des premières conséquences bénéfiques des campagnes de lutte anti-tabac mises en oeuvre un peu partout dans le monde industrialisé.

On notera d'ailleurs que la fréquence du cancer du poumon est en légère progression, à tous les âges, en France, en Italie et au Japon.

Toutes les autres formes de cancer sont en hausse.

Ainsi, par exemple, les taux de mortalité liés aux cancers du cerveau et du système nerveux ont augmenté de 500 % chez les femmes anglaises âgées de 75 à 84 ans, de 500 % également chez les Italiens du même âge et de 700 % chez les Japonaises de 75 à 84 ans.

Autre chiffre particulièrement inquiétant, le taux de mortalité lié au myélome multiple (une forme particulière de cancer de la moelle osseuse) a augmenté selon les pays de 50 % à 200 %. Et l'on retrouve également des augmentations, parfois moins fortes il est vrai, dans les cancers du sein, du rein, de l'os, du système lymphatique et de la peau.

Même si le vieillissement de la population n'explique pas tout, il s'agit d'un facteur important. On considère aujourd'hui, qu'en France, un habitant sur quatre a été, est ou sera confronté à un cancer et qu'en l'an 2000, cette proportion sera de un sur trois, surtout à cause du vieillissement de la population. Il va sans dire que de tels chiffres ont, et auront, une importance considérable en terme de planification sanitaire.

Cette tendance à l'augmentation de la mortalité par cancer semble être l'apanage des pays industrialisés. Selon le rapport publié à Londres, environ la moitié des cas surviendraient dans le cinquième de la population mondiale, vivant dans ces pays. Mais, là encore, il faut nuancer car il existe de fortes variations géographiques.

Des origines mystérieuses

Ainsi, par exemple, les femmes vivant en Amérique du Nord ont-elles un risque trente fois plus élevé d'être atteintes d'un cancer du sein que les femmes vivant en Afrique de l'Ouest ou en Amérique centrale. Les hommes qui habitent l'Amérique du Nord et l'Europe du Nord ont un risque quatre fois moins élevé que les Africains d'avoir un cancer du foie. Mais, à l'inverse, le risque pour eux d'être atteint d'un cancer du poumon est trente fois plus élevé.

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Sans surprise, le taux de mortalité par cancer du sein est en augmentation un peu partout (de 30 % à 50 %), de même que celui du mélanome (cancer de la peau).

Les auteurs du rapport s'interrogent longuement sur les causes de toutes ces variations. Ils insistent en particulier sur l'existence probable de facteurs environnementaux non encore connus. En outre, chez les personnes les plus âgées, il semble que des changements du mode de vie, liés en particulier à l'industrialisation, pourraient être à l'origine de bon nombre de cancers. Les personnes qui sont nées au début du siècle ont pu être exposées pendant de nombreuses années à des substances ou produits que l'on ne savait pas encore cancérigènes ou encore travailler dans des condition peu compatibles avec les normes en vigueur aujourd'hui et être ainsi, par exemple, exposées à de fortes doses de radiations.

Mais subsistent encore nombre d'interrogations quant aux causes des augmentations de la mortalité par cancer. A cela, la seule réponse que peuvent apporter les pouvoirs publics est une intensification de la recherche (fondamentale bien sûr, mais aussi en épidémiologie et en santé publique). Tant il est vrai que, faute de traitements réellement efficaces de nombreuses formes de cancer, la prévention reste la seule arme disponible pour lutter contre ce fléau qui, dans les vingt prochaines années, touchera soixante-dix millions de personnes en Europe.

Franck Nouchi

Le Monde

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