Des flots de réfugiés qui fuient leur pays, un mur à la frontière pour les arrêter, des négociations à n'en plus finir pour éviter l'escalade verbale voire pire... Le défi auquel fait face l'Europe actuellement, avec les centaines des milliers de migrants qui traversent la Méditerranée, est colossal. Mais pas isolé.

Publicité

Outre les guerres, la misère ou des tensions ethniques ou religieuses, le dérèglement climatique pourrait déplacer "des millions" de personnes sur la planète, avertissait François Hollande lors de sa dernière conférence de presse semestrielle, afin de souligner les enjeux de la COP 21, fin 2015 à Paris. A raison.

250 millions de réfugiés climatiques en 2050

L'ONU prévoit 250 millions de réfugiés climatiques dans le monde en 2050. Ils sont déjà des millions, d'après les données recueillies par l'IDMC (Internally Displacement Monitoring Centre). Pour donner un ordre de grandeur, quelque 4 millions de réfugiés syriens ont quitté leur pays en guerre depuis 2011, un nombre déjà édifiant... Que dire des 83,5 millions de "réfugiés climatiques" recensés de 2011 à 2014.

Quelques précisions toutefois. Il faut prendre avec précaution la distinction entre "réfugiés de guerre" et "réfugiés climatiques", les critères se recoupant parfois. Le changement climatique est une menace en soi, et il agit également comme un "multiplicateur de menaces", d'après l'expression du ministère de la Défense. Par ailleurs, ces "réfugiés climatiques", qui ne bénéficient pas encore de statut unifié au regard du droit international, sont plus souvent désignés comme des "déplacés".

Certains déménagent à l'intérieur des frontières du pays concerné (comme au Vietnam où les typhons redessine la répartition démographique du pays, ou en Angola où la sécheresse et les inondations jouent ce même rôle, d'après un rapport de l'OIM en 2014), d'autres sont contraints de passer dans un pays voisin. Ils fuient des événements ponctuels mais aussi la dégradation lente de leur habitat. Des circonstances qui rendent difficile un recensement plus fin de ces mouvements démographiques.

Ils fuient 4 fois plus les inondations que les séismes

Tempêtes, crues, montée des eaux, températures extrêmes, incendies, assèchements de points d'eau... mais aussi séisme ou éruption volcanique. L'IDMC permet de différencier les différentes causes (climatiques et géophysiques) de ces déplacements. Prenons leurs chiffres depuis 2008: depuis cette date 184,6 millions de personnes ont dû se déplacer. Mais à cause de quoi?

Même si les séismes monstres du Sichuan (Chine), d'Haïti ou du Chili (qui a modifié l'axe de la Terre) viennent logiquement à l'esprit, ce sont bien les inondations et les tempêtes (typhons, ouragans...) qui constituent la majorité des événements naturels que les populations fuient. Or le dérèglement climatique tend à augmenter la fréquence et l'ampleur de ces événements climatiques. Pour une personne déplacée à cause d'un séisme, il y en a quatre qui fuient les inondations et deux qui fuient les tempêtes.

L'Asie est de loin le continent le plus touché

Quatre "réfugiés climatiques" sur cinq vit en Asie. D'après l'IDMC, chaque année, ce sont 21,5 millions de personnes qui fuient des événements naturels. La Chine, les Philippines et l'Inde sont les plus touchés: 15 des 20 plus importants déplacements enregistrés en 2014 ont eu lieu dans l'un de ces trois pays.

En 2014, le typhon Rammasum à lui seul à déplacé 628 000 personnes en Chine mais surtout 2,99 millions de personnes aux Philippines, où le typhon Hagupit a également entraîné le déplacement de 1,82 millions d'habitants. En Inde, l'événement de l'année le plus marquant furent les inondations dans l'Etat de l'Odisha, avec 1,07 millions d'habitants touchés et celles de la région du Cachemire, avec 812 000 déplacés. Les inondations ont aussi durement touché les pays voisins, faisant 740 000 déplacés au Pakistan et 542 000 déplacés au Bangladesh.

Prenons ce pays, justement, où le chef de la diplomatie française Laurent Fabius s'est rendu récemment... Dans les décennies à venir, des millions d'habitants seront jetés sur les routes par la montée des eaux, la salinisation des terres, les crues et les glissements de terrain liés à la fonte accélérée des neiges de l'Himalaya, d'après les projections de la Banque Mondiale ou de l'OCDE, citées par Francetvinfo. L'Inde voisine prend déjà des mesures: sur 3200 kilomètres, elle a érigé un mur-frontière, raconte Libération.

L'Europe n'est cependant pas épargnée par ces déplacements de population, bien qu'ils aient lieu dans des proportions incomparablement plus réduites. En France, la tempête Xynthia a entraîné des déplacements de population, le réchauffement de la Méditerranée entraîne des pluies torrentielles (de type cévenol) et des crues-éclair d'une violence croissante sur le pourtour de cette mer fermée. Sans oublier la montée du niveau de la mer qui va toucher de plein fouet les Pays-Bas.

Le risque spécifique de la montée des eaux

Les Pays-Bas sont en effet le pays dont la population sera le plus largement impactée par la montée des eaux: un Néerlandais sur deux risque d'en subir les conséquences, d'ici la fin du 21e siècle, d'après une étude de l'organisation Climate Central, exploitée par le New York Times. La montée des eaux et les inondations des zones côtières concerneront 147 à 216 millions de personnes partout dans le monde. Là encore, l'Asie apparaît comme le continent le plus vulnérable, avec plus de 50 millions de Chinois à la merci de ce phénomène dont l'ampleur dépend en partie des émissions de gaz à effet de serre et de l'augmentation de la température moyenne... donc des résultats de la COP 21 à Paris.

Publicité