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Venezuela : les conséquences concrètes de l'inflation à 10.000 %

La monnaie vénézuélienne, le bolivar, ne vaut quasiment plus rien. En 2019, sa valeur face au dollar a chuté de 98,6 %. La monnaie vénézuélienne, le bolivar, ne vaut quasiment plus rien. En 2019, sa valeur face au dollar a chuté de 98,6 %.[YURI CORTEZ / AFP]

Une économie en plein délitement. L'inflation au Venezuela a atteint près de 10.000 % en 2019, selon des données officielles publiées mardi 4 février par la Banque centrale du pays, la BVC. Mais au-delà de ce chiffre, impressionnant lorsqu'on le compare par exemple à celui de la France (1,1 %), cette hyperinflation a des effets bien concrets sur le quotidien des Vénézuéliens.

Malgré les multiples augmentations successives du salaire minimum décrétées par le président vénézuélien Nicolas Maduro (onze durant les deux dernières années), les habitants du Venezuela ne peuvent toujours pas vivre décemment dans leur pays, l'inflation - définie par l'Insee comme l'augmentation générale et durable des prix - progressant toujours à un rythme plus soutenu. Elle était de 9.585,5 % en 2019 selon la BVC, après 130.060 % en 2018.

Un exemple est particulièrement frappant. Le nouveau salaire minimum mensuel vénézuélien, 250.000 bolivars (environ 3,10 euros), résultant de la hausse de 67 % décidée par Nicolas Maduro en janvier, ne permet même pas d'acheter un kilogramme de viande de bœuf, selon le média économique américain Bloomberg. En comparaison, aux Etats-Unis, un mois de travail au salaire minimum de 7,25 dollars (6,58 euros) par heure permet de s'offrir 137 kg de viande hachée, affirme le site d'information économique américain Quartz.

Même en prenant en compte l'augmentation simultanée en janvier du montant des tickets d'alimentation, passé de 150.000 à 200.000 bolivars (2,50 euros), les travailleurs touchant le salaire minimum au Venezuela (soit essentiellement les fonctionnaires) entrent dans la catégorie de l'extrême pauvreté selon la Banque mondiale, fixée à 1,90 dollar (1,70 euro) par jour. Ceux-ci ne gagnant en effet que 450.000 bolivars (5,60 euros) par mois, soit environ 0,20 euro par jour.

Un marché noir pour échanger des bolivars contre des dollars

«La monnaie ne vaut plus rien et nous sommes entrés dans une économie dollarisée», explique à Télérama l'historien Serge Ollivier, professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste du Venezuela. En 2019, la valeur du bolivar face au dollar a dégringolé de 98,6 %, en raison de la crise économique secouant le pays depuis plusieurs années - son PIB a chuté de moitié depuis 2013 -, ruinant encore un peu plus la confiance des Vénézuéliens envers leur devise et les incitant donc encore davantage à se tourner vers le dollar pour leurs échanges de la vie quotidienne.

Un gigantesque marché noir pour se procurer des dollars s'est ainsi créé. Selon le cabinet vénézuélien Ecoanalitica, 53,8 % des transactions dans le pays se font dans cette devise, un chiffre qui devrait atteindre 70 % en 2020. Au total, 2,7 milliards de dollars (2,5 milliards d'euros) y circulent, soit trois fois la valeur des bolivars en espèces et en dépôt. Pour contrer cette demande accrue de dollars, qui, dans un cercle vicieux, participe en retour à dévaluer le pouvoir d'achat en bolivars, Nicolas Maduro - dont la légitimité est contestée par l'opposant Juan Guaido - a annoncé la semaine dernière qu'allait être instaurée une taxe jusqu'à 25 % sur les transactions en dollars.

Une mesure qui pourrait être douloureuse pour le portefeuille des Vénézuéliens, déjà peu garni, accélérer l'exil de la population. Selon l'ONU, 4,7 millions d'habitants ont quitté le pays depuis 2015, et ils pourraient être 6,5 millions à la fin de l'année 2020. 

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