L'action EDF, qui a perdu les deux tiers de sa valeur en trois ans, n'avait pas besoin de ça. Hier mercredi, l'effet Hulot lui a fait perdre 6,57%. Ce jeudi, alors que le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire s'installe dans le fauteuil de Ségolène Royal, elle s'affiche encore en baisse. Avec 72,3% d'électricité d'origine nucléaire en France en 2016, le chiffre d'affaires de l'électricien national dépend de cette énergie, à laquelle Nicolas Hulot ne croit apparemment plus.

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"Le nucléaire, ça fait partie du monde d'hier", déclarait-il en mars 2016 sur Europe 1, rappelle le JDD. Depuis 2011 et la catastrophe de Fukushima, sa position n'a pas varié. Il faut sortir du nucléaire. Quitte à s'en donner le temps. "Il faut se programmer d'une manière rationnelle pour ne pas rentrer dans un système de rupture", précisait-il aussi sur Europe 1.

Pas de sortie du nucléaire au programme

Sortir du nucléaire, ce n'est ni l'ambition d'EDF, ni même celle de la loi de transition énergétique adoptée en 2015. Cette dernière fixe un plafond de production de 63,2 gigawatts qui correspond à la capacité des 58 réacteurs français. Avec, en parallèle, l'objectif de 50% d'électricité nucléaire en 2025.

Le nucléaire "est un socle de production indispensable, pas seulement aujourd'hui, mais pour encore des décennies, a réagi ce jeudi le PDG Jean-Bernard Lévy devant les actionnaires réunis en assemblée générale. Il est aussi dans l'intérêt national que la production nucléaire reste solide, performante et compétitive."

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Compte tenu d'une demande atone en France comme en Europe, il faudrait fermer 17 à 20 réacteurs pour faire baisser la production d'électricité nucléaire au niveau fixé, a estimé la Cour des Comptes en février 2016. EDF, qui entend rester un "acteur-clé de l'industrie nucléaire" avec ses projets au Royaume-Uni et en Chine, a une toute autre lecture de cette contrainte. L'entreprise table sur une hausse de la demande domestique qui permettra de conserver la capacité de production. "Il y aura une baisse tendancielle de la part du nucléaire dans le mix énergétique", assure à L'Express Alexandre Grillat, porte-parole de la fédération CFE-CGC Énergies, "il ne doit pas y avoir de fermeture anticipée de centrales." A part les deux réacteurs de Fessenheim, EDF ne prévoit aucune fermeture.

2025, une échéance intenable

Ainsi l'électricien entend-il concilier les deux objectifs contradictoires de la loi de transition énergétique, à meilleur coût et sans perdre son savoir-faire. "Pour EDF la fermeture d'un réacteur a un double coût. Celui de la production d'électricité manquante et celui du démantèlement, plus difficile à évaluer", note pour L'Express Juan Camilo Rodriguez, analyste chez Alphavalue et auteur d'une étude commandée par Greenpeace, "EDF asphyxiée par le nucléaire".

Quant à respecter le calendrier pour arriver aux 50%, c'est une autre paire de manches. "2025, c'est trop tôt. Il faut se donner un horizon jusqu'en 2030, 2035", estime Alexandre Grillat. Un avis qui semble partagé dans l'entourage d'Emmanuel Macron, selon Les Echos. "La France est l'un des pays qui a le moins investi dans les énergies renouvelables en Europe", relève Juan Camilo Rodriguez. En attendant, EDF compte mettre au point une nouvelle génération de centrales. L'EPR de Flamanville "symbolisera le renouveau du nucléaire français", a affirmé ce jeudi Jean-Bernard Lévy.

Une première couleuvre à avaler?

"Un ministre ne pose pas de conditions ni au Premier ministre ni au président de la République", a déclaré le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner après une question sur Nicolas Hulot à la sortie du premier conseil des ministres. Ce dernier "doit appliquer la feuille de route" fixée par le programme d'Emmanuel Macron, qui prévoit de mettre en oeuvre la loi de transition énergétique, a-t-il précisé. Avec un calendrier de réduction de la part du nucléaire "responsable." Ce qui pose la question de l'échéance 2025.

Nicolas Hulot, dont la fondation est financée depuis vingt-cinq ans par EDF malgré "des divergences de positions assumées", va devoir gérer ce calendrier. Interrogé au 20h00 de France 2, il a réaffirmé sa volonté de respecter l'objectif 2025. Il risque toutefois de devoir assumer un ralentissement de la transition.

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