La flambée du franc suisse ne quitte pas les unes de la presse croate depuis une semaine. Dans le pays, 60 000 ménages sont menacés de faillite (environ 200 000 personnes risquent d’être touchées), faute de pouvoir rembourser des crédits immobiliers contractés en devise helvète. Pour désamorcer cette bombe sociale, le Premier ministre croate, Zoran Milanovic, envisage de geler pendant un an le taux de conversion du franc suisse à 6,39 kunas (0,82 euro) – il est actuellement à 6,57 kunas (0,84 euro). “Milanovic s’inspire d’Orbán”, titre Vecernji list, en expliquant “que le Premier ministre hongrois avait fait la même chose à la fin de l’année dernière, deux mois avant que la crise n’éclate, pour acheter la paix sociale dans son pays”. Toutefois, “les banquiers croates s’y opposent et menacent de recourir à la Cour européenne”, relate de son côté un autre quotidien croate, Jutarnji list.Solution populisteD’après Novi list, “le gouverneur de la Banque centrale croate, Boris Vujcic, n’est pas prêt à toucher aux réserves en devises pour fournir les 23 milliards de kunas [environ 3 milliards d’euros] nécessaires pour convertir en kunas ou en euros des prêts libellés en francs suisses. D’autant plus qu’il s’agirait d’une solution palliative et que le gouvernement actuel risque de ne plus être au pouvoir d’ici un an [les élections législatives sont prévues dans moins d’un an]”. Par conséquent, Novi list estime “qu’il s’agit plus d’une solution populiste que sociale ou économique”. Jutarnji list considère quant à lui “que la Croatie est dans une situation plus grave que les autres pays touchés par la flambée du franc suisse (Hongrie, Pologne et Roumanie) en raison du taux de croissance proche de zéro et d’un chômage important”.Responsabilité des banquesEn Serbie, environ 20 000 ménages sont affectés. Le quotidien Danas s’interroge sur “la responsabilité des emprunteurs qui ont pris des crédits immobiliers en devise helvète, malgré les avertissements du gouverneur de la Banque centrale de l’époque, Radovan Jelasic”. D’après le quotidien de Belgrade, “les aider revient à discriminer ceux qui ont contracté des crédits beaucoup plus chers en euros”. Cependant, Danas pointe aussi du doigt les banques qui “ont fait une grande publicité pour vendre les crédits en francs suisses sans les baser sur les réserves en monnaie helvète, ce qui leur a permis de profiter de la hausse du franc au détriment de leurs clients”. Le quotidien de Belgrade estime que “les banques ont intérêt à ‘sauver’ les citoyens qui ne peuvent plus rembourser, en convertissant leurs emprunts en euros ou en dinars, comme on l’a fait en Hongrie. Car la mise aux enchères de dizaines de milliers d’appartements, faute de remboursement des crédits hypothécaires, risque de perturber gravement le marché financier”. Peu de solutionsSelon le EUobserver.com, les répercussions les plus importantes ont été ressenties dans le plus grand Etat membre oriental de l’UE, la Pologne, où près de 600 000 personnes ont des prêts hypothécaires libellés en devise helvète, relate le site d’information bruxellois. “Pour un ménage, cela signifie que la mensualité moyenne, qui était d’environ 2 000 zlotys [469 euros] en octobre 2014, a soudainement grimpé de 20 %. Si le franc suisse atteint 5 zlotys [1,17 euro], elle augmentera d’un tiers.”En Roumanie, quelque 70 000 personnes se retrouvent dans une situation semblable. Le quotidien Adevarul Financiar informe que si, au début de la crise, il y a une semaine, “tout le pays vivait dans la psychose”, désormais les débiteurs commencent à s’organiser. “L’armée de ceux qui doivent de l’argent en monnaie suisse a créé une page Facebook qui s’appelle “Le Groupe des clients avec des crédits en CHF, et qui tentera de résoudre “ce que les banquiers et les politiques ne savent pas faire” : ils veulent une pétition en ligne, des manifestations dans la rue, une modification législative et une négociation avec les banquiers. En Roumanie, la proportion des crédits aux particuliers en franc suisse ne représente que 8 % du total. Le gouvernement n’a pas trouvé encore de solution concrète, à part la proposition “de faire voter en urgence une loi sur l’insolvabilité des personnes physiques”, note Romania libera. La situation semble déjà être résolue en Hongrie. Le même quotidien bucarestois remarque qu’à Budapest “le gouvernement Orbán a forcé les banques à supporter la majeure partie du choc, en mettant en place un mécanisme qui permet aux gens de rembourser les crédits à un coût fixe, largement inférieur à la valeur réelle du franc suisse”.