RECOMPENSE. Alors que le lien entre contrôle de soi et les différentes formes d'intelligence est étudié chez l’homme depuis les années 1960, personne n’avait encore vérifié s'il existait également un rapport chez nos plus proches cousins. Grâce à Michaël Beran et William Hopkins, chercheurs au Centre de recherche en psychologie et langage de l’Université de l’Etat de Géorgie (USA), c’est fait. Et ce lien existe aussi bel et bien chez les chimpanzés, selon leurs travaux qui viennent d’être publiés dans Current biology.
Le test de "récompense retardée" ou "test du marshmallow" consiste à proposer à un cobaye de choisir entre manger un bonbon immédiatement ou bien attendre un temps indéterminé pour en obtenir deux. L’expérience demande du contrôle de soi puisque tout au long de l’attente, le premier bonbon est toujours à portée de main. Dans les années 1960, plusieurs expériences ont été menées sur de jeunes enfants qui ont ensuite passé des tests d’intelligence. Depuis cette époque, la notion d'intelligence a été beaucoup approfondie si bien que le mot n'arrive plus à recouvrer l'ensemble des réalités qu'il comporte. La corrélation entre l’aptitude à attendre une meilleure récompense et l’intelligence mesurée par des exercices adaptés a été établie chez l'enfant mais sur les seuls aspects de compréhension du monde physique et d'intelligence sociale. Sur ces deux points au moins, la comparaison peut s'établir.
La volonté a joué un rôle précoce dans l'évolution
COGNITION. Il aura donc fallu attendre plus d’un demi-siècle pour qu’on vérifie s’il en allait de même chez d’autres primates. Quarante chimpanzés ont été soumis au test de la récompense retardée où le deuxième bonbon arrive après 20 secondes d’attente, puis à un test d’intelligence adapté aux singes, le "primate cognitive test battery". Ce test comprend des tâches physiques comme la mémoire spatiale, l’utilisation d’un outil, la compréhension de l’origine d’un bruit ou d’un évènement visuel, l’appréhension d’une différence de nombre d'objets. Les tâches dites "sociales" comportent des épreuves de reconnaissance d’un geste, de son suivi dans l’espace, de la capacité à le répéter ainsi que le degré d’attention.
Les résultats ne laissent place à aucun doute : les chimpanzés les plus intelligents sont aussi ceux qui attendent avec le plus de calme le moment où arriveront les deux bonbons. Conclusion de l’étude : "le fait que ce lien entre le contrôle de soi et l’intelligence existe dans des espèces autres que les humains pourrait démontrer le rôle précoce dans l’évolution que joue la volonté dans l’intelligence générale", expose Michaël Beran. Reste désormais à déterminer si ce même lien existe chez d’autres primates qui nous sont moins proches que le chimpanzé, et même dans des espèces différentes de notre ordre.