Pour mettre fin à la pandémie mondiale du Covid-19, il faut que 80 % de la population soit immunisée. Une réalité atteignable en 2021 avec une vaccination massive. Mais le gouvernement prend le risque de retarder un retour à la normale en ne rendant pas cette vaccination obligatoire. Une trop forte partie de la population y est aujourd’hui opposée. Certains craignent des effets secondaires, d’autres sont persuadés d’une manipulation gouvernementale.

Si les réseaux sociaux ne reflètent qu’un tant soit peu l’opinion publique, il y a de quoi s’inquiéter : "Le vaccin du Covid contient du tissu pulmonaire issu d’un embryon avorté de 3 mois", "(Il) va falloir que ta milice (d’Emmanuel Macron, ndr) me courre après longtemps pour pouvoir me l’inoculer", "ils vont nous mettre des puces avec leur vaccin pour qu’on sorte"… La tendance anti-vaccin est en forte progression en France. Malgré les succès des campagnes historiques vaccinales pour lutter contre la poliomyélite, le tétanos ou la diphtérie, presque 50 % des Français assurent, selon un sondage de Kantar, qu’ils ne se feront pas vacciner contre le Covid-19.

C’est l’un des pires taux d’Europe. Une partie de ces "anti-vaccins", dits les antivax, sont complotistes, persuadés que le vaccin sert un objectif secret d’élites mondiales. D’autres s’inquiètent juste d’effets secondaires, sur la base d’anciennes études souvent réfutées. Mais ces pensées, de plus en plus répandues chez nos concitoyens, finissent par altérer la capacité du pays à organiser une vraie réponse sanitaire. Alors que plusieurs vaccins sont désormais sur le point d’être disponibles, chez Pfizer, Mordena, Sanofi ou Astrazeneca, Emmanuel Macron a dû se montrer extrêmement prudent.
L’hydrochloroquine et le masque
Lors de son allocution télévisée du 24 novembre, il assure que la campagne vaccinale est l’une des stratégies françaises, mais il précise : "Je veux aussi être clair : je ne rendrai pas la vaccination obligatoire". Ce choix répond à deux besoins. Le premier est que, pour lancer une campagne vaccinale dès la fin de l’année, il faut réserver les doses à certaines populations : les soignants en tout premier lieu, puis les publics les plus fragiles. En effet, les premiers stocks reçus n’auraient pas permis de l’offrir à toute la population d’emblée.

Deuxièmement, il s’agit de ménager une opinion publique devenue complètement rétive aux décisions gouvernementales et rendue méfiante à l’égard de la science. L’exemple de l’hydrochloroquine a été une leçon sévère. Le fait que le gouvernement en déconseille l’utilisation, à l’instar de nombreux pays, sur les conseils d’experts scientifiques, a poussé une partie de la population à en faire un Graal que des puissants voulaient nous enlever. À la décharge des sceptiques, l’échec total de l’Exécutif sur la question des masques, d’abord inutiles puis devenus obligatoires, a égratigné le contrat de confiance.
Des citoyens avant le Parlement
Pour essayer de renouer avec l’opinion, le Président de la République, sur le conseil de son comité scientifique, a décidé de créer "un collectif de citoyens (…) pour associer plus largement la population". En cela, il s’inspire du succès de la convention citoyenne sur le climat (CCC). Un choix raisonnable pour mobiliser la population vers l’atteinte d’une immunité globale suffisante. Mais cette décision remet complètement en cause la compétence de La Haute Autorité de Santé et du Parlement. Ces deux entités ont de quoi s’interroger sur leur rôle, si le Président doit en premier lieu répondre de ces choix devant un groupe de citoyens.
Enfin ce choix de la vaccination volontaire risque d’être battue en brèche par la réalité. Déjà, plusieurs compagnies aériennes, comme Qantas, et certains pays, comme l’Australie, annoncent que les voyages ou les entrées sur le territoire ne seront possibles que pour les personnes vaccinées. Et l’Association internationale de transport aérien (IATA) vient de créer un passeport digital réunissant les documents qui permettent de voyager, le vaccin y sera inscrit.
À terme, nombre d’activités risquent d’être limitées pour les personnes non protégées, au-delà du secteur aérien. Cela sera d’autant plus vrai que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alerte déjà sur la troisième vague en occident dès début 2021, si aucune mesure efficace n’est mise en place.
Ludovic Dupin @LudovicDupin

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