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Faudra-t-il vraiment 3 400 éoliennes pour remplacer Fessenheim ?

La plus vieille centrale nucléaire de France, qui va fermer en 2020, a produit 11,9 TWh en 2018.
par Cédric Mathiot et Pauline Moullot
publié le 1er décembre 2019 à 12h29

Bonjour, nous avons été interrogés sur des messages, largement commentés sur Twitter, à propos de la fermeture à venir de la centrale de Fessenheim, qui vit ses derniers mois.

Une photo représente un espace entièrement hérissé d'éoliennes. Le commentaire : «Au milieu de cette image, la centrale nucléaire de #Fessenheim. Tout autour, 850 éoliennes. Ça fait beaucoup ? Et pourtant, c'est juste le quart de ce qu'il faudrait pour produire autant d'électricité que la centrale. L'explication tient en un tweet, c'est en fait une simple règle de trois : - Production de la centrale de Fessenheim : 12 TWh - Production des 8000 éoliennes françaises : 28 TWh 12/28*8000 = 3400 éoliennes»

Il y a un peu plus d'un an et demi, CheckNews avait déjà travaillé sur le sujet, un internaute nous ayant saisis sur les différents chiffres (parfois très éloignés) qui circulaient sur la question. Nous expliquions que tout dépend évidemment du type d'éoliennes qu'on va choisir pour remplacer Fessenheim, et de l'année qu'on décide de prendre en considération concernant la production de la centrale. Explications :

Première donnée : les éoliennes ne produisent pas tout le temps. En 2018, 27,8 térawattheures (TWh) d’énergie ont été produits par ces éoliennes, soit 27 800 gigawattheures (GWh). Le parc éolien français a une capacité de 15GW. Le rapprochement de ces chiffres (la puissance théorique et la production) permet de voir que les éoliennes, évidemment, ne fonctionnent pas en permanence. En divisant la production totale annuelle (27 800 GWh) par la capacité (15GW), on arrive à un fonctionnement moyen du parc de 1 853 heures en équivalent heures pleines dans l’année. Si on compare cela au total des heures dans une année (8 760), on pourrait résumer en disant que les éoliennes ne fonctionnent à plein que 21% du temps. Dans le jargon, on dira que le facteur de capacité est de 21%.

Combien d’éoliennes seraient nécessaires pour compenser la production électrique de Fessenheim ?

La centrale de Fessenheim, la plus vieille de France, dispose de deux réacteurs de 900 MW chacun. Théoriquement, elle a donc une puissance de 1 800 MW. Mais,les centrales ne fonctionnent pas à plein tout le temps non plus. En 2018, Fessenheim a produit 11,9 TWh. Pour remplacer ces 11,9 TWh, en tenant compte du facteur de capacité de 21% de l’éolien calculé précédemment, il faut donc un total de 5 660 MW d’éoliennes.

Si on prend comme référence la puissance unitaire moyenne du parc actuel (un peu moins de 2 MW, comme le fait l’internaute), on arrive effectivement à plus de 3 000 éoliennes nécessaires pour remplacer Fessenheim. Si on imagine remplacer Fessenheim par les éoliennes plus modernes et plus puissantes (d’une puissance moyenne de 3MW, par exemple), on arrive à un nombre – logiquement inférieur – de 1 900 éoliennes environ.

Et si on quitte la terre ferme en imaginant remplacer Fessenheim par des éoliennes offshore, dont le facteur de capacité et la puissance sont plus importants que les éoliennes terrestres (40% et 6MW), les données changent évidemment encore : on arrive à 500 éoliennes.

Comme nous l’indiquions dans notre précédent article, d’autres données circulaient, encore inférieures. Elles s’appuyaient sur la production de Fessenheim en 2017, qui avait été particulièrement faible avec 5,7 TWh. Evidemment, le nombre d’éoliennes nécessaire pour s’y substituer diminuait encore.

Mais si on se base sur la production moyenne, ces dernières années, de la plus vieille centrale de France, le nombre d’éoliennes terrestres nécessaires pour la remplacer va donc varier d’un peu moins de 2 000, à un peu plus de 3 000 selon la puissance des éoliennes qu’on choisira.

Comparaison par puissance disponible

A noter qu’il existe un autre indicateur, moins favorable aux éoliennes :  celui de la puissance disponible – et en particulier de la puissance disponible aux heures de pointe. Dans le jargon, on appelle cela le «crédit de capacité», qui correspond à la «puissance ferme» (appelable à volonté) que peut remplacer une installation renouvelable nouvelle sans risque de défaillance du réseau.

Là où les partisans du renouvelable choisiront plus volontiers d’effectuer la comparaison en regardant la production des éoliennes et des centrales (ce que nous venons de faire), les partisans du nucléaire opteront pour la comparaison des puissances disponibles.

Le «crédit de capacité» est calculée en prenant notamment en compte le caractère aléatoire d’une source d’énergie, mais aussi sa flexibilité (une éolienne est moins rigide à remettre en route qu’une centrale, que l’on n’arrête pas du jour au lendemain).

On considère que le crédit de capacité de l'éolien terrestre est de 10%, expliquait à CheckNews Cédric Philibert, alors en poste au sein de la branche énergies renouvelables de l'Agence internationale de l'énergie (fonction qu'il a quittée récemment). Ce qui signifie que 3MW d'éolien permettent de remplacer seulement 300kW de puissance ferme. Par comparaison, le crédit de capacité du nucléaire est autour de 70%.

Pour remplacer une centrale de 1800 MW fonctionnant «normalement», en tenant compte des crédits de capacité respectifs de l’éolien et du nucléaire, il faudrait un peu plus de 4 000 éoliennes terrestres d’une puissance moyenne de 3MW. Et encore davantage si on prend des éoliennes d’une puissance unitaire moyenne inférieure.

En revanche, comme le note Cédric Philibert sur son blog, l'éolien offshore devrait afficher en Europe un crédit de capacité de l'ordre de 30%, ce qui représente là encore (comme pour la puissance et le facteur de capacité), un «avantage» par rapport aux éoliennes terrestres.

Cordialement

EDIT dimanche 1er décembre à 15h20 avec ajout à la fin de l'article du crédit de capacité de l'éolien offshore.

Pour aller plus loin :

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