Alors qu’elle s’est engagée à sortir du charbon d’ici 2038, l’Allemagne vient d’autoriser la mise en service d’une nouvelle centrale qui devrait donc produire jusqu’en… 2060. Une décision qui illustre le dilemme auquel sont confrontés de nombreux pays, écartelés entre exigence de production et de rentabilité d'un côté, et de l'autre, respect de leurs engagements de l’Accord de Paris.


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    Au début de l'année, l'Allemagne s'est engagée à abandonner le charbon en 2038 en fermant ses 84 centrales actuellement en opération. Le pays, qui a déjà banni le nucléaire après la catastrophe de Fukushima, se veut un champion du renouvelable, dont elle espère tirer entre 65 % et 80 % de son électricité d'ici 2040. C'est pourtant une toute nouvelle centrale au charbon qui va commencer à produire à l'été 2020, ont confirmé des sources gouvernementales, il y a quelques jours à l'agence Reuters.

    Située à Datteln dans le land de Rhénanie Nord-Wesphalie, elle sera opérée par le producteur d'énergieénergie Uniper et alimentera jusqu'à 100.000 foyers grâce à sa capacité de 1.100 MW. La nouvelle unité, qui devait initialement entrer en service en 2011, a subi de multiples retards techniques dans sa constructionconstruction. Avec une entrée en fonction en 2020, on peut s'attendre à ce qu'elle dure au moins jusqu'en 2060. Une légère contradiction avec l'abandon du charbon d'ici 2038.

    La centrale nouvelle au charbon de Datteln 4, en Rhénanie Nord-Wesphalie, aura une capacité de 1.100 MW en 2020. © Uniper
    La centrale nouvelle au charbon de Datteln 4, en Rhénanie Nord-Wesphalie, aura une capacité de 1.100 MW en 2020. © Uniper

    Une centrale à charbon, oui mais « ultramoderne »

    Mais voilà : l'annulation de sa mise en service aurait exigé une indemnisation colossale de la part du gouvernement, Uniper ayant déjà englouti 1,2 milliard d'euros dans le projet. Le gouvernent a donc fait machine arrière, se retranchant derrière les arguments d'Uniper qui explique que Datteln 4 est l'une des centrales « les plus modernes d’Europe », avec un rendement net de plus de 45 %. « L'usine sera équipée d'un système avancé d'épuration des gazgaz de combustioncombustion à plusieurs étapes, qui éliminera les oxydes d'azoteoxydes d'azote, la poussière et le soufresoufre des gaz de combustion », explique l'entreprise.

    La chaleurchaleur récupérée servira en outre à alimenter en eau chaude les agglomérations environnantes. L'Allemagne est aussi confrontée à un principe de réalité. Le charbon représente encore 38 % de la consommation énergétiqueconsommation énergétique de l'Allemagne et, malgré des centaines de milliards investis dans la transition énergétique, elle ne parvient pas à remplir ses objectifs de réduction d’émissions de CO2. Elle n'est d'ailleurs pas la seule à être confrontée à des injonctions contradictoires.

    Capacités (GW) de centrales à charbon dans le monde ajoutées (au-dessus de zéro) et retirées (en dessous de zéro) par année. Bleu : Chine. Violet : Inde. Jaune : reste du monde. Rouge : USA. Bleu foncé : UE. © Endcoal
    Capacités (GW) de centrales à charbon dans le monde ajoutées (au-dessus de zéro) et retirées (en dessous de zéro) par année. Bleu : Chine. Violet : Inde. Jaune : reste du monde. Rouge : USA. Bleu foncé : UE. © Endcoal

    1.169 nouvelles centrales à charbon actuellement en construction ou programmées dans le monde

    Une étude publiée en 2018 par des chercheurs allemands indique que « si toutes les centrales à charbon actuellement planifiées sont effectivement construites et utilisées, le budget carbonecarbone pour atteindre l'objectif de hausse de 2 °C sera pratiquement épuisé », concluent les chercheurs, et ce même en prenant en compte la fermeture des centrales existantes. L'institut Climate Analytics préconise, quant à lui, un arrêt total de toutes les centrales à charbon d'ici 2040 pour rester dans « les clous ».

    Or, d'après les statistiques du site Endcoal à fin 2019, 711 nouvelles unités ont été autorisées ou annoncées, 458 sont en construction et 6.704 sont en opération. La plupart se concentre en Chine (200 unités autorisées ou annoncées et 241 en construction), en Inde et en Indonésie. Le Japon, qui a mis à l'arrêt tous ses réacteurs nucléaires après la catastrophe de Fukushima, a lui aussi 24 unités en projet.

    Le charbon est cependant clairement sur le déclin. En 2018, le nombre de centrales à charbon en construction a reculé de 39 % sur un an et de 84 % sur trois ans, note le rapport de Endcoal, élaboré par Sierra Club, Greenpeace et Global Energy Monitor. Celui des projets en phase de pré-construction a chuté de 24 % sur un an et de 69 % sur trois ans. En 2017, le gouvernement chinois a annoncé la suspension de 170 MW de capacités, pourtant déjà en construction ou à un stade avancé.