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L’ADN révèle les secrets du tardigrade, résistant suprême

Des généticiens sont parvenus à comprendre ce qui fait la résistance de cet animal microscopique et quasi indestructible.

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Publié le 31 juillet 2017 à 16h38, modifié le 28 août 2017 à 10h49

Temps de Lecture 3 min.

Les tardigrades présentent une résistance exceptionnelle aux conditions extrêmes.

« Shinjirarenai ! », « Amazing ! », « Incroyable ! ». Dans toutes les langues, l’adjectif résonne souvent à l’unisson à l’évocation du nom d’une petite bête : le tardigrade. D’origine obscure et doté de facultés de survie inouïes, l’animal microscopique, surnommé « ourson d’eau » à cause de ses griffes, intrigue les scientifiques. Un groupe de biologistes britanniques et japonais a donc entrepris d’explorer son génome. Cette plongée dans les arcanes de son ADN leur a permis d’en percer certains mystères. Publiée le 27 juillet dans la revue PLOS Biology, leur étude apporte des révélations sur deux fronts distincts : la position exacte de l’animal au sein du vivant et les mécanismes génétiques à l’origine de ses capacités de résistance.

Il se déplace lentement sur ses quatre paires de pattes et ne mesure en moyenne qu’un demi-millimètre, mais les quelque mille espèces de tardigrades sont toutes prêtes à affronter des conditions de vie a priori intolérables. Les oursons d’eau résistent avant tout à la sécheresse et sont capables de végéter plusieurs dizaines d’années en l’absence d’eau. Leur taux d’hydratation peut s’écrouler à seulement 3 % en cas de froid extrême. Ils tolèrent en effet une température de − 200 °C pendant quelques jours, et s’assécher leur permet d’éviter de finir en glaçon. Evacuer l’eau de leur organisme est aussi le moyen pour les tardigrades d’éviter l’éclatement, alors que plusieurs minutes à + 151 °C ne les condamnent pas au néant.

Rien ne leur fait donc peur : sécheresse, températures extrêmes, mais aussi toxines, hautes pressions – plusieurs milliers d’atmosphères – ou vide quasi absolu, comme c’est le cas dans l’espace. Des expériences dans ce milieu ont d’ailleurs ajouté à la liste de ces pouvoirs prodigieux les dons d’affronter radiations et absence d’oxygène. « Au cours des dernières années, les hommes les ont asséchés, congelés, autoclavés, ou encore exposés au vide de l’espace et irradiés de rayons cosmiques. Nous avons été particulièrement odieux avec eux », ironise un des auteurs de l’étude, Mark Blaxter, professeur à l’université d’Edimbourg.

Mécanisme antisécheresse

L’organisme extrêmophile gardait jusqu’à présent bien enfouis les secrets génétiques de sa résistance. Les chercheurs se sont donc attelés à séquencer l’ADN de deux représentants de l’embranchement : Ramazzottius varieornatus et Hypsibius dujardini. Ces deux espèces ont un comportement différent lorsqu’elles sont confrontées à la sécheresse. La première tolère une dessiccation rapide, alors que la seconde ne survit que si son assèchement a lieu en douceur. Son taux de survie n’est maximal qu’après un traitement bien établi. Deux jours d’exposition à 85 % d’humidité, suivis de 24 heures à un taux relatif de 30 % doivent précéder son entrée en anhydrobiose, un état végétatif au cours duquel elle suspend toutes ses fonctions vitales.

« Étonnamment, la quasi-totalité des séquences ADN impliquées dans l’anhydrobiose est conservée chez les deux espèces, seul le timing de leur expression diffère », explique Kazuharu Arakawa, un des coauteurs des travaux et maître de conférences à l’université de Keio (Japon). Toutes les deux partagent en effet une série de gènes à l’origine de protéines dont le rôle est crucial pour soutenir les structures cellulaires du tardigrade : elles prennent la place de l’eau dans les cellules de son organisme et maintiennent ainsi sa microstructure tant que l’humidité n’est pas revenue.

En plus de ses stratagèmes pour défier la mort, le tardigrade jouait les cachottiers sur sa place exacte dans le monde animal. Ses deux voisins les plus proches dans la classification du vivant sont les arthropodes (insectes, araignées, crustacés…) et les nématodes, des vers ronds. Mais le doute planait encore quant au moins éloigné du duo. En effet, si les tardigrades se meuvent sur plusieurs paires de pattes, comme les arthropodes, ils disposent par ailleurs d’un appareil pharyngé comparable à celui des vers nématodes.

Cousin des nématodes

L’analyse des généticiens met désormais fin à ces tergiversations. Un lien génomique étroit unit en effet tardigrades et nématodes. Une famille de gènes impliqués dans la mise en place de l’embryon permet d’établir clairement la relation de proximité : les gènes HOX. Tout comme les nématodes, les tardigrades ont cinq gènes HOX, contre une dizaine pour les arthropodes. Cette similitude génétique les rapproche donc définitivement des vers nématodes. « Le séquençage du génome complet de plusieurs espèces de tardigrades est quelque chose de très récent, et le manque de connaissances se faisait cruellement sentir. Cette étude me paraît apporter des réponses essentielles aux questions que l’on se posait sur l’évolution des tardigrades », se réjouit Cédric Hubas, maître de conférences au Muséum national d’histoire naturelle de Paris et spécialiste des écosystèmes microbiens.

Après avoir arpenté les chemins de l’ADN des tardigrades, les chercheurs vont désormais pouvoir étudier les protéines qui assurent leur quasi-immortalité à ces animaux. Ce qui pourrait ouvrir la voie à des applications médicales inédites.

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