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Enquête ouverte pour « obsolescence programmée » contre Epson

Une association de défense des consommateurs accuse l’entreprise de « programmer » la durée de vie des cartouches d’encre et a, en conséquence, déposé plainte.

Par  et

Publié le 28 décembre 2017 à 12h29, modifié le 29 décembre 2017 à 10h12

Temps de Lecture 4 min.

L’infraction d’« obsolescence programmée » existe en France depuis août 2015.

Ampoules à incandescence en 1925, bas Nylon dans les années 1940, le débat sur l’obsolescence programmée ne date pas d’hier mais a rebondi médiatiquement et sur le terrain judiciaire jeudi 28 décembre. Le parquet de Nanterre a confirmé avoir ouvert, il y a un mois, une enquête préliminaire contre le fabricant d’imprimantes Epson pour « obsolescence programmée » et « tromperie ».

Cette décision fait suite à une plainte contre « X », déposée le 18 septembre par l’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée), mettant en cause, outre le constructeur japonais, trois autres acteurs du secteur : Canon, Brother et HP. L’enquête a été confiée à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), rattachée à Bercy.

Si, de source judiciaire, on indique que « cette procédure n’implique aucune présomption de constitution de l’infraction », ce développement fait date. C’est en effet la première fois, selon plusieurs sources, que la justice se saisit d’une affaire au motif du délit d’obsolescence programmée. Inscrit depuis juillet 2015 dans le code de la consommation, il condamne « l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ».

« Un cas emblématique d’obsolescence programmée »

Dans le cas des fabricants d’imprimantes et de cartouches d’imprimantes, HOP pense avoir démontré « sans ambiguïté » que de tels procédés ont été employés. Ce secteur n’a pas été choisi au hasard. « Ça parle aux gens et nous avions beaucoup de retours d’utilisateurs mécontents », explique Laetitia Vasseur, présidente de l’association. Pendant deux ans, HOP a recueilli des témoignages de consommateurs, mené des entretiens avec des spécialistes et réalisé ses propres tests. Au terme de ce travail, l’association pense avoir réussi à élaborer « une démonstration technique et juridique » fondant « un cas emblématique d’obsolescence programmée ».

Et si seul Epson fait l’objet d’une enquête préliminaire, c’est, selon Mme Vasseur, que l’essentiel du dossier présenté à la justice portait sur ce fabricant : « On n’avait pas les moyens matériels d’enquêter sur tout monde, même si nous avons l’intuition que d’autres agissent pareillement ».

D’un point de vue technique, HOP concentre son argumentation sur deux composants de l’imprimante. Les cartouches d’encre, d’abord, équipées d’une puce qui compte le nombre de copies effectuées et le nombre de lavages de tête d’impression réalisés, pour en déduire la quantité d’encre restante avant de les désactiver. Or, selon les tests réalisés par HOP –confirmés par au moins un autre bureau d’étude –, la cartouche est déclarée hors service alors même qu’elle contient encore de l’encre (de 20 à 40 % de sa capacité). HOP cite également le témoignage d’utilisateurs expliquant que le scanner de leur imprimante a été bloqué par cette pénurie supposée d’encre… alors même que le scanner n’a pas besoin d’encre pour fonctionner. A l’appui de sa démonstration, HOP souligne que l’utilisation de reprogrammateurs de puces (des produits disponibles en ligne pour à peine plus de 10 euros) permet de continuer à utiliser une cartouche prétendument vide.

« Une première victoire »

L’autre composant mis en cause est le tampon absorbeur de l’imprimante, pièce dont le rôle est d’absorber les gouttes d’encre rejetées par l’imprimante. Là encore, l’imprimante ne mesure pas le remplissage du tampon : elle se contente, selon l’association, de compter le nombre de fois où il a été sollicité avant de bloquer l’imprimante à un seuil déterminé au motif de cette défaillance, alors même que le tampon n’est pas plein. L’utilisation de logiciels libres permet ici aussi de contourner ce blocage. « Nous faisons face à une technique [qui] vise à réduire délibérément la durée de vie de l’imprimante », accuse HOP, sachant que le remplacement de la pièce revient « peu ou prou au prix d’achat d’une imprimante neuve ».

Face à ces accusations, Epson assure être « serein ». « On va démontrer que l’obsolescence programmée n’est pas dans la nature de l’entreprise », a réagi Thierry Bagnaschino, directeur marketing pour la France.

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« Pour nous, c’est une première victoire », explique pour sa part Mme Vasseur. Faute de jurisprudence en matière d’obsolescence programmée, les chances de succès de l’association restent incertaines, d’autant que, pour caractériser le délit, il faut apporter les preuves de l’intention délibérée de l’entreprise d’avoir voulu réduire la durée de vie de ses produits. « On est sûrs de nous », affirme Emile Meunier, avocat et cofondateur de l’association, estimant que la volonté de forcer le consommateur à renouveler ses produits pourrait se déduire par la démonstration des entraves techniques incorporées au produit.

Dépôt de plainte contre Apple

HOP, dont la création, en 2015, est intimement liée à l’instauration du délit d’obsolescence programmée, est aujourd’hui l’association pionnière pour obtenir la reconnaissance de cette pratique devant la justice française. Mercredi 27 décembre, elle a déposé une plainte contre Apple, après que le géant américain a admis ralentir volontairement ses anciens modèles de smartphones. Forte d’une « communauté » de 20 000 personnes, dont 8 000 membres, elle affirme ne pas se concentrer sur les produits de haute technologie, même si ceux-ci laissent une empreinte écologique particulièrement nocive.

L’association, qui affirme ne pas être là simplement pour faire des procès aux « mauvaises marques », propose que les durées de garantie soient allongées et que la réparation des produits soit facilitée. « Le combat contre l’obsolescence programmée ne se limite pas aux produits high-tech, il concerne aussi bien le petit et le gros électroménager que les collants pour femmes », souligne Mme Vasseur. La plus grande victoire de l’association serait sans nul doute d’obtenir la première condamnation en France d’une entreprise au titre de l’obsolescence programmée. Ce délit est puni d’une peine maximale de deux ans de prison et 300 000 euros d’amende.

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