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Tribune

L’Allemagne en péril nucléaire ?

Contreperformances aidant, les opinions perçoivent mieux la réalité de l’Energiewende allemand derrière l’opaque rideau vert tendu à dessein. Mais phobie antinucléaire dominante, le pays vient de mettre hors jeu un réacteur de plus, sans cette prévention qui a conduit la France à reporter ses propres objectifs de réduction, afin de pouvoir tenir les engagements climatiques.

Par Gérard Petit (retraité)

Publié le 7 janv. 2018 à 08:21

S’il est un pays où, à la différence de l’Hexagone, une complémentarité nucléaire-renouvelables intelligente pouvait faire sens, c’est bien l’Allemagne. Le choix d’y développer les renouvelables n’impliquait évidemment pas qu’on doive se passer d’un nucléaire qui assurait alors 30 % de la production électrique. Tout au contraire, la coopération entre les deux modes aurait pu s’envisager de manière rationnelle, avec comme objectif premier la réduction des émissions de GES.

On le sait bien, c’est la phobie devenue sociétale d’un nucléaire pourtant "made in Germany", maintenu et opéré aux standards industriels élevés du pays qui l’a emporté, l’accident de Fukushima et l’opportunisme politique ayant tranché définitivement la question, alors qu’elle revenait justement à l’agenda.

Mais toute diminution de la contribution nucléaire ampute le noyau dur programmable d’une part qu’il faut impérativement compenser par des moyens forcément carbonés, gaz ou charbon, au bénéfice évident des émissions de GES !

Dernier acte en date, le retrait d’une unité de la centrale bavaroise de Gundremmingen, réacteur de 1300 MW, ayant fonctionné une trentaine d’années seulement, contemporain des vingt réacteurs français de la même classe. Sachant qu’en Allemagne, les réacteurs nucléaires produisent en base, avec un haut facteur de disponibilité, c’est donc d’une quantité très significative d’électricité décarbonée dont viennent de se priver nos voisins et prétendre qu’elle sera compensée par les productions renouvelables n’est qu’une vérité bien partielle compte tenu de l’intermittence des gros bataillons de celles-ci et toute affirmation que cette décision et celles qui suivront n’augmenteront pas les émissions de GES ne sont que contrevérité.

Or le pays englué dans une Energiewende dispendieuse et inefficace, s’agissant justement des émissions de GES, ne faiblit pas dans son empressement à "sortir du nucléaire" comme si son salut en dépendait et qu’il lui importait avant tout de pouvoir pousser enfin, mais à quel prix et avec quelle hypocrisie, ce "ouf" de délivrance.
À coup sûr en effet, tout ira mieux quand le dernier réacteur germain convergera et d’autant mieux qu’on aura contribué efficacement à semer outre-Rhin (dans son acception symétrique !) la même défiance vis-à-vis de l’atome.

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Dans l’intervalle, le premier succès tangible (symbole + proximité) qu’aura constitué l’arrêt de Fessenheim sera acquis, et last but not least, le processus de diminution du nombre de réacteurs, sous la férule de la Commission Pompili, dont réduire pour réduire est l’unique focus, sera enclenché.

L’Allemagne, qui se voit toujours en modèle, prodigue ses leçons à la France affirmant, entre autres, que si Fessenheim était sur la rive droite du Rhin elle serait déjà fermée depuis longtemps, mais en même temps sa folie des grandeurs renouvelables se voit démentie par des contre-performances patentes qui décillent, mais bien tard, les yeux des opinions.

À l’épreuve des faits constatés tels quels, le doute n’a jamais été permis, mais combien d’articles, combien d’émissions radio ou télévision ont contribué à masquer la réalité et souvent, ne pouvant en cacher les travers trop saillants, à expliquer que le salut était pour demain, la réification du modèle idéal n’était pas encore achevée. Ces propos ont toujours cours aujourd’hui, mais leur crédit s’est émoussé.

Pourtant, paradoxalement, la connaissance de la réalité électrique allemande, ne dissuade pas la France de foncer avec toujours plus d’allant dans l’impasse qu’on sait déjà décrire. Il faut en effet savoir, entre autres caractéristiques déjà évoquées, que les gigantesques secousses éoliennes et solaires propres au surdimensionnement des parcs germaniques ne sont accommodables, par le réseau électrique européen, qu’amorties par les réseaux adjacents, dont la France. Cette configuration n’est donc pas multipliable, la notion de réciprocité ne faisant pas sens, abondance et défaut étant en général corrélés. 

Mais qu’importe, la PPE nationale, qui pour la forme fera bientôt l’objet d’une consultation publique, entérinera selon toute vraisemblance cette fuite en avant, avec un bénéfice encore plus grand pour les accapareurs de subsides payés par les consommateurs et les contribuables, lesquels verront s’envoler davantage encore leurs factures énergétiques.
Tout en continuant à le tancer sans vergogne, c’est pourtant au nucléaire, taillable et corvéable à merci qu’on va demander d’aménager, à son préjudice, le terrain de jeu des renouvelables, en assurant base et dentelle, de la production dans l’acception léonine de la complémentarité à la française !

Mais trop c’est trop, et dans un contexte rendu de plus en plus exigeant il faudra impérativement reconsidérer la place et la rémunération des services rendus par le nucléaire, sous peine d’une mise à mal définitive de l’assureur en dernier recours du système électrique.

PPE : Programmation Pluriannuelle de l’Energie

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